Comment revenir dans les limites planétaires ?
Comment aller ensemble vers une autre compréhension du collectif à la hauteur des enjeux planétaires ? Pour cela, il est fondamental tout en partant de la situation présente du collectif, de dépasser les approches traditionnelles du Développement Durable et de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE).
Bien que la Transition Écologique soit présentée comme une stratégie incontournable, elle est confrontée à des limites significatives. En effet, la Transition Écologique est basée sur des présupposés erronés et propose des solutions technologiques insuffisantes.
Pour dépasser ces limites, la Redirection Écologique, offre une voie plus ambitieuse, reposant sur la refonte de nos modèles économiques et sociaux. L’économie de la fonctionnalité est basée sur le principe de « faire ensemble ».
Faire sens ensemble et construire à partir de la situation présente
Le meilleur point de départ pour s’attaquer aux enjeux n’est-il pas la situation concrète et située de l’organisation ?
Il s’agit d’ouvrir les possibles. Les lois et règlements environnementaux et sociaux (CSRD, loi Pacte, loi ZAN, etc…) sont souvent pris comme des contraintes entravant la marche des affaires. Voyons les plutôt comme des appuis pour changer nos cadres tels des bourgeons dans le buisson de la vie, dans l’intérêt de la pérennité du collectif.
L’évolution de la vie à la surface de la planète est conforme au modèle du buisson touffu doté d’innombrables branches, et continuellement élagué par le sinistre sécateur de l’extinction. Elle ne peut pas du tout être représentée par l’échelle d’un inévitable progrès. La plupart des gens savent cela, mais n’en feront état que de manière mécanique, sans en comprendre le sens profond. D’où les erreurs d’interprétation constantes, découlant d’un attachement inconscient à l’échelle du progrès, même si on croit explicitement rejeter cette vision surannée de la vie.
» La vie est belle. Les surprises de l’évolution, Stephen Jay Gould 1991
« La reconnaissance des besoins auxquels l’entreprise ou la collectivité doit répondre tire profit de toutes les oreilles et regards qu’il y a au sein de l’entreprise : les collaborateurs. Les organisations paraissent asphyxiées par les lois, procédures, règlements et contraintes…»
La vie est buissonnante, Darwin, Gouyon Fred
Les 4 stratégies écologiques envisageables
Afin de faire face aux enjeux de l’Anthropocène et pour maintenir l’habitabilité d’une partie de la Terre, 4 stratégies écologiques peuvent être envisagées et sont aujourd’hui en concurrence :
- La révolution ou la fuite (zad, exode urbain) : faire table rase du passé et repartir de zéro. Cela revient à simplement abandonner nos infrastructures sans vraie solution quant à elles.
- Se reconnecter au vivant. Selon cette philosophie, la perte de nos liens avec la nature expliquerait la catastrophe écologique en cours. Il s’agirait alors de nous reconnecter au vivant. Cette approche est certes indispensable. Néanmoins, elle est insuffisante seule car elle ne règle pas le problème des infrastructures.
- La transition écologique réduit l’Anthropocène à une crise dont il s’agirait de sortir en modifiant nos moyens technologiques. Cette pensée réformiste et conciliatrice est la cible de nombreux critiques car basée sur des implicites erronés. Elle s’avère d’ailleurs inopérante.
- La redirection écologique apprend à hériter de tout un patrimoine et estime qu’il faut désormais se résoudre à fermer tout un ensemble d’activités humaines.
« À l’absence de vision, on a substitué un entêtement obsessionnel de l’efficacité des moyens ; mais la stratégie ne se résume pas à « l’organisation efficace de moyens pour atteindre un but ». La stratégie est la capacité de définir une raison d’être – un dessein – qui assure la pérennité et l’épanouissement de ce qui est, et de ce qui sera. »
Baumard, Philippe; Bauer, Alain. Le Vide stratégique (SCIEN PO/RELAT) (French Edition) (pp. 15-16). CNRS.
Les implicites de la transition écologique et leurs limites
La transition écologique, un concept non sans critique...
La transition écologique, souvent présentée comme la solution incontournable pour faire face aux défis environnementaux, n’est pas exempte de critiques et surtout de limites.
Ci-dessous, quatre implicites de la transition écologique et leurs limites ▼
La Redirection Écologique : une voie d'exploration
De nouvelles stratégies écologiques pour revenir dans les limites planétaires !
La Redirection Écologique part du constat que les approches de type « Croissance Verte » (découplage), « Développement Durable » ou RSE (compensation) sont dépassées.
Ce cadre développé par Alexandre Monnin, Diego Landivar et Emmanuel Bonnet est à la fois conceptuel et opérationnel. Il permet d’aider les organisations à imaginer de nouvelles stratégies écologiques pour les aligner sur les limites planétaires, quitte à fermer certaines activités qui menacent l’habitabilité de la Terre.
Oui, mais en pratique, ça donne quoi ?
Dans une redirection écologique, le premier pas est de reconnaître ce qui est véritablement fonctionnel. La loi Pacte place la fonctionnalité d’une entreprise au regard de la société et de son territoire.
La redirection s’appuie sur la démarche d’enquête et de design. D’autres outils peuvent être mis à contribution, en fonction des besoins, tels que : l’approche Systèmes de Systèmes, les outils de comptabilité et de quantification de carbone, le bilan matière, etc.
Un exemple concret : une enquête sur l’arrêt de la construction neuve en Ile de France
Cette étude a été commandée par la société Arp Astrance et réalisée par Philippe Bouteyre (Praxilience), Herve Moal (Loma Management) et William van Gelderen.
Devant le constat du fort impact de la construction neuve en termes d’environnement, l’étude a vérifié dans quelles mesures il est possible d’arrêter la construction nouvelle de bureaux, commerces et logements en Ile de France, quels sont les leviers permettant de réaliser la bascule vers la rénovation de l’existant tout tenant compte des attachements sociaux et économiques des acteurs concernés.
« D’un point de vue opérationnel, la redirection écologique amène à porter un regard sur les vulnérabilités des activités ainsi que les dépendances de celles-ci à des ressources ou processus non-pérennes. » Il s’agit de « répondre par des alternatives innovantes à nos propres besoins en cherchant la souveraineté, en limitant les externalités, ainsi engager nos capacités à expérimenter-prototyper et tester ».
Guide de la RE
Les exemples du hors-série de la revue Horizons Publics, dédié à la Redirection Écologique au printemps 2021 ▼
- Redirection écologique d’infrastructures de stationnement ;
- Redirection écologique de piscines municipales ;
- Redirection écologique de la construction neuve ;
- Redirection écologique d’une entreprise de textile ;
- Redirection écologique d’une industrie manufacturière, ;
- Redirection écologique d’un terminal d’aéroport ;
- Redirection écologique des institutions d’une métropole française ;
- Redirection écologique de nos relations avec les requins.
« Entre l’arrêt de tout et l’intenable business as usual » la démarche de redirection écologique consiste à trouver cette « ligne de crête qui permettrait la survie de l’espèce dans des conditions justes et démocratiques ? »
Alexandre Monnin – Politiser le renoncement