Renoncer à la construction neuve au profit de la rénovation ?
Devrait-on, pour rentrer dans les limites planétaires, renoncer à la construction neuve de certains actifs en Île-de-France au profit de la rénovation globale du stock ?
Est-ce faisable d’arrêter la construction neuve en Ile de France? Quel protocole de renoncement engager pour que cela se passe le mieux possible ? C’est le thème d’une commande de redirection écologique dont Alexandre Monnin, Herve Moal et Philippe Bouteyre (Praxilience) ont présenté les résultats lors de la journée du climat organisée par l’APCC le 3 Novembre, au Salon des Élus et Décideurs des Territoires d’Ile-de-France SELIF. La société Arp Astrance a fait la commande de cette étude au Msc « Strategy & Design for the Anthropocene ». Elle en a confié la réalisation à Hervé Moal (Loma Management pour Arp Astrance), Philippe Bouteyre (Praxilience) et William van Gelderen.
La redirection écologique, une voie à explorer :
La redirection écologique est enseignée par le MSc « Strategy & Design for the Anthropocene » dirigé par Alexandre Monnin qui en a présenté les principes. Cette approche prend comme point de départ le constat des ruptures à engager afin demeurer à l’intérieur des limites planétaires. Il s’agit de « sortir par le haut (le moins bas possible) » d’une situation dans laquelle nous dépendons « à court terme de modèles et d’infrastructures (la Technosphère) qui menacent l’habitabilité de la Terre à moyen terme ».
La question est donc de savoir comment « hériter de ce à quoi nous sommes diversement attachés » et « d’inventer les moyens techniques et démocratiques de faire atterrir/fermer/désaffecter-réaffecter des réalités non-soutenables. »
Alexandre Monnin, Diego Landivar et Emmanuel Bonnet ont développé ces concepts dans leur essai » Heritage et Fermetures » (Editions Divergences).
La construction neuve : un impact environnemental fort
La construction neuve a un impact fort sur l’environnement : majeur en termes d’artificialisation et en termes d’émissions de CO2 et très significatif en termes de consommations de matériaux et de génération de déchets. Il y a un donc besoin urgent : arrêter la construction neuve.
L’arrêt de la construction est faisable, dans une certaine mesure
Partant de ce constat, l’arrêt de la construction neuve en Ile de France est il faisable ? La réponse est oui dans le commerce, oui dans le bureau, pas complètement dans le logement. Toutefois, on peut réduire très fortement la construction dans le logement en engageant des efforts de régénération urbaine.
Selon quel protocole de renoncement?
L’étude se penche ensuite sur les aspects économiques et sociaux de cette transformation. En effet, la redirection écologique accorde une importance majeure aux enjeux économiques et sociétaux. Que faire des 210 000 emplois de la construction neuve ? L’économie du secteur du bâtiment est aujourd’hui répartie à part égale entre construction et rénovation. Comment la faire basculer vers une économie de la rénovation ou nous n’aurions plus que 20% d’activité liée aux nouvelles constructions et 80% de l’activité liée la rénovation ? Pour cela, trois pistes principales : la décarbonation de l’énergie liée au parc existant, la rénovation énergétique du parc existant, la rénovation urbanistique des villes avec notamment les rénovations liées aux changements de modes de vie.**
Malgré des freins politiques et d’ordres cosmologiques, les outils et nouvelles approches et visions du monde ne manquent pas pour favoriser la bascule de la construction vers la rénovation, comme par exemple, la remise en question de l’architecture et des architectes ou de nouvelles approches de la propriété. Ces leviers sont détaillés dans l’étude.
La redirection écologique
L’étude met en lumière des tendances de fond déjà enclenchées. Elle permet de proposer des recommandations : revoir le projet du Grand Paris, être vigilant face au développement de surfaces de bureaux et de commerces. Certes, des démarches de sobriété et d’urbanisme circulaire sont déjà en cours de développement. Il reste néanmoins à mettre en œuvre un accompagnement des acteurs vers une économie de la rénovation. Il faut aussi préciser les modes de définitions des besoins sobres
Face à l’urgence climatique, les transformations qui s’imposent à nous sont gigantesques. Il donc est légitime de chercher à renforcer notre manière d’agir avec de nouvelles stratégies écologiques. Cet exemple sur le thème de l’arrêt de la construction neuve le montre : la redirection écologique représente un cadre opérationnel en Anthropocène et une voie à explorer.